Douze millions de personnes handicapées vivent en France et elles font quotidiennement l’expérience de l’exclusion et pourtant, je connais peu de personnes en situation de handicap physique. Les personnes handicapées sont peu représentées dans les films, dans les médias, dans les expositions, cette invisibilité est la première des discriminations. La société tout entière semble enfermée dans des préjugés, et préfère parfois ignorer et ne pas regarder, ne pas se poser la question de cette altérité et de son acceptation.
«En 2015, j’ai réalisé des photographies pour le centre pour polyhandicapés Handas, en Ile et Vilaine. Il s’agissait de faire le portrait des résidents. Cette expérience très particulière était à la fois riche et me dérangeait, car les personnes que je devais photographier n’avaient rien décidé. Elles me regardaient, certaines ne parlaient pas. Au lieu de passer quelques jours à réaliser ces portraits, j’y aie passé un mois – car j’avais peur de prendre quelque chose qu’on ne me donnait pas. J’ai essayé d’être au plus juste, d’être au plus près de la personne. L’exposition de ce travail a été un moment très émouvant pour les personnes que j’ai photographiées mais aussi pour leurs parents et soignants, simplement heureux de les trouver si beaux.
Aujourd’hui, c’est encore la rencontre et l’échange, que je voudrais placer au coeur de cette recherche. Je voudrais que ces rencontres se passent sur un temps long, et soient insufflées d’une confiance partagée. Des captations sonores de nos échanges viendront faire écho à mes photographies pour créer un lieu d’empathie qui fait vaciller nos présupposés au-delà des normes.» Isabelle Vaillant