Dans les performances qu’il met en scène et enregistre Sebastian Stumpf semble autant décidé à défier les lois de Galilée, Newton ou Archimède qu’à braver les codes sociaux conventionnels régissant nos comportements dans les espaces publics. Avec la même naïveté il se confronte à l’un et à l’autre, sachant pertinemment, qu’aucun ne se courbera sous ses tentatives. La caméra est l’unique témoin de ses actions dont il est l’unique acteur. Il ne recourt pas non plus à l’autoportrait, et si son corps est omniprésent, sa personnalité dans sa dimension existentielle et intime est soigneusement tenue à l’écart. Son art ne procède donc pas de ce culte de la personnalité et du corps si cher aux artistes des années 70. La subversion et l’originalité des images de Stumpf tiennent davantage à l’interaction qu’il entretient avec le paysage, qu’il soit naturel ou urbain.
Le monde semble être un immense terrain de jeu dans lequel évolue ce petit personnage dont on ne sait pas toujours si l’action qu’il entreprend nous fait sourire ou nous dérange. Proche de l’absurde, mais loin du non sens, Sebastian Stumpf incarne poétiquement une forme de résistance et de posture critique de l’artiste sur le monde.
L’Atlas des Régions Naturelles se donne pour objet la création d’une archive photographique offrant un large aperçu de la diversité des bâtis mais aussi des paysages qui composent le territoire français. À terme, 50 prises de vues seront réalisées dans chacune des régions naturelles de France, entités géographiques et culturelles simples à appréhender par leurs dimensions (quelques dizaines de kilomètres). La collecte, commencée début 2017 avec pour ambition de réaliser en totalité 22 500 photographies qui couvriront égalitairement ces 450 régions, devrait prendre 10 ans. Consultable sur un site internet permettant une exploration géographique mais aussi thématique de ses archives photographiques, il est possible de suivre l’avancement du chantier.
Dans ce moment semblable à nul autre, face à la situation de confinement, de report des expositions, de fermeture des lieux culturels, GwinZegal a proposé à cinq jeunes artistes de venir investir le Centre d’art pour mener une résidence de production en mars et en avril 2021.
Les artistes Quentin Yvelin, Rebecca Topakian, Camille Millerand, Nina Ferrer-Gleiz et Lucile Boiron sont venus travailler et développer leurs projets à Guingamp.
Ils ont bénéficié de l’accompagnement professionnel de Sten Lena, tireur photographique ; Rémi Coignet, critique et auteur ; Julie Hérault, commissaire d’exposition au Bal ; Étienne Bernard, directeur du Frac Bretagne ; Jean-Kenta Gauthier, galeriste ; Maxence Rifflet, artiste et enseignant ; Pascal Beausse, critique et responsable de la collection photographique du CNAP ; Bruno Serralongue, artiste ; Milan Garcin, commissaire d’exposition et historien de l’art ; Raphaël Dallaporta, artiste ; ainsi que de l’équipe du Centre d’art.
Si la richesse de toutes ces rencontres est difficile à partager à distance, nous vous invitons à découvrir la diversité des démarches photographiques de ces cinq jeunes artistes à travers ces films courts :
Quentin Yvelin, Rebecca Topakian, Camille Millerand, Nina Ferrer-Gleiz et Lucile Boiron
(cliquez sur chacun des noms pour accéder aux films)
Depuis une dizaine d’années, Baptiste Rabichon a entrepris de prolonger l’exploration de la technique primitive du photogramme. Il propose une pratique de la photographie qui redonne un sens à l’idée d’une matière porteuse de contenu. Son travail est un ensemble de sensations et d’impressions. Son discours se construit par l’utilisation d’outils et de protocoles de fabrication complexes, mêlant nouvelles technologies et techniques anciennes ; une expérimentation où la fantaisie côtoie l’admiration pour les grands ancêtres. Résidence en partenariat avec Lieux Mouvants à Lanrivain.
Entre 2016 et 2018, Maxence Rifflet a photographié dans sept prisons françaises. Photographier en prison, plutôt que la prison, voilà qui résume son projet. La formule est aussi simple et lapidaire que la voie empruntée, sinueuse et escarpée. C’est en collaboration avec des détenus qu’il a fait chemin, partageant avec eux ces interrogations : Comment photographier dans un espace de surveillance sans le redoubler ? Comment cadrer sans enfermer ?
Dans la perspective de son exposition à Guingamp, Maxence Rifflet a mené un travail de recherche sur l’histoire singulière de la maison d’arrêt de Guingamp. Devenue monument historique en 1997 puis réhabilitée à partir de 2017, elle héberge aujourd’hui le Centre d’art GwinZegal et bientôt une université dédiée à l’éducation artistique. Maxence Rifflet est allé aux sources du projet architectural initial et à travers un choix d’archives historiques et d’une interview réalisée en compagnie de Christophe Batard, architecte de la réhabilitation, il questionne la transformation d’un lieu pénitentiaire en lieu patrimonial…
L’ombre de la Seconde Guerre mondiale plane tant sur l’œuvre que sur la vie du photographe portugais Daniel Blaufuks. La question de la mémoire, privée, partagée ou publique est au centre de ses recherches. Il explore l’écart entre l’image
et le témoignage, entre le réel et la représentation. Ses œuvres prennent la forme d’installations, de livres, de vidéos, de photographies. Son approche de l’histoire n’est jamais l’approche frontale de l’historien qui se limiterait aux faits, aux documents. Son matériel, Daniel Blaufuks le puise dans la littérature et dans la poésie, et c’est par le rebond qu’il évoque le souvenir par l’entremise de Pavese, Brecht, Sebald, Perec…
Au cours de cette résidence portée conjointement par le Musée de la résistance de Saint-Connan et le Centre d’art GwinZegal, Daniel Blaufuks mène un travail sur la mémoire des lieux du maquis mais aussi sur les lieux de célébration de cette mémoire en Bretagne.
Raphaël Dallaporta documente la lente mue de l’espace de l’ancienne prison. Grâce à des algorithmes complexes, il se détache de la tâche ennuyeuse du simple suivi de chantier. Au cours des deux dernières années, il a placé à des points de vue fixes des pièges photographiques, enregistrant de manière automatique des dizaines de milliers d’images, tour à tour les mouvements imprévisibles des cieux qu’il affectionne, la végétation tantôt sauvage tantôt domestiquée, les murs qui tombent, les dallages qui se font et se défont. Cette observation se prolongera, avec l’apparition du public, qui va s’approprier et repeupler progressivement ce lieu autrefois clos.
Mathieu Pernot a fait l’acquisition d’un stock d’images d’archives représentant des devantures de magasins Kodak, photographiées dans les années soixante. À Lamballe, Brest ou Châteauneuf-d’Îlle-et-Vilaine, la plupart de ces commerces n’existent plus. Ils ont fermé ou fait faillite. Mathieu Pernot est allé sur place pour enquêter et rephotographier, et constater qu’aujourd’hui les magasins ne sont même pas remplacés, laissant des trous dans l’espace urbain.
Comment la photographie, au XXIe siècle, par son caractère indiciel, peut-elle soulever l’épaisseur de phénomènes géologiques, elle qui serait plutôt du côté de la surface et de la transparence et non de la matière ? Il s’agit donc ici de croiser les notions de document photographique et de transformation du paysage. L’espace d’investigation part des rivages des Côtes d’Armor à ceux du sud de l’Angleterre, qui se font face. Ces régions, particulièrement riches en curiosités géologiques, laissent apparaître, par la sensibilité de leur littoral, ses effondrements, et ses enjeux écologiques, de nouveaux indices utiles à la compréhension de leur formation. Le canal de la Manche a été également choisi car il pose la question de la frontière entre deux pays (la France et la Grande Bretagne) et de sa porosité qui peut se manifester par des échanges et des empreintes géologiques.
À partir du réseau de supporters de l’équipe de football locale (l’En Avant de Guingamp) Mark Neville a réalisé un travail documentaire sur la ville de Guingamp, et plus largement sur le département. Le destin du club d’En Avant, créé par des amateurs, est tout à fait singulier… Mark Neville, né à Londres en 1966, est l’auteur de plusieurs ouvrages documentaires sur des villes anglaises. En 2006, il a réalisé et publié son projet le plus remarqué : Port Glasgow. Sa recherche se trouve à l’intersection de l’art et du documentaire. En 2011, il a été commissionné par l’Imperial War Museum pour suivre les forces militaires britanniques en opération en Afghanistan. C’est dans ce cadre qu’il a réalisé plusieurs lms ainsi qu’un projet photographique présenté à l’Imperial War Museum en 2014. En 2013, il est nominé par le New York Times pour le prix Pulitzer.
Artiste originaire de Bielorussie et vivant en France, Alexandra Catiere revisite dans une subtilité et une modernité renouvelée le portrait photographique. Lors de sa résidence en Bretagne, elle porte son regard sur des communautés humaines, des groupes, des membres d’associations. Bercée par une histoire longue, elle en offre des portraits sensibles – résolument incarnés — et profondément humains qui semblent trempés d’intemporalité. Dans une approche volontairement subjective et expressionniste, par des cadrages resserrés, elle scrute le relief des visages.
Parfois légèrement floutés ou mis à jour par la pratique analogique du laboratoire, les visages redessinés par la lumière se parent d’un clair obscur digne des grands maitres. Au plus proche de la matière photographique, émancipé du masque sociale, chacun semble saisi dans une intensité et une singularité, sublimée par un souffle d’humanité retrouvée.
Samuel Gratacap porte un regard sensible sur la communauté des gens du voyage, communauté méconnue et dont l’image est désastreuse auprès de la population sédentaire.
Deux séjours de un mois permettront au photographe de vivre avec eux, d’échanger et de comprendre les problématiques dans le but de traduire en image son ressenti afin de sensibiliser la population voisine à la culture et la réalité des gens du voyage.
Parallèlement, des ateliers de photographies seront proposés aux habitants des aires d’accueil, ils ont eu pour objectif de faire le lien entre le photographe et la communauté, d’ouvrir les jeunes sur une pratique de créations photographiques, de confronter leur regard et problématiques à celle du photographe en résidence
Dans son premier projet photographique, intitulé Macquenoise, le regard du jeune artiste belge s’était déjà porté sur la ruralité. Mais une forme de ruralité marginale. La série photographique exposée au Centre d’Art GwinZegal en 2015 était plus liée à des questions humaines et esthétiques que journalistiques. La ferme était un moyen, un prétexte pour parvenir à retranscrire une atmosphère, une scène parcourue d’êtres et de visages soumis aux cycles incessants des saisons. Nourri de ce précédent projet et convaincu des liens culturels, paysagers et ruraux qui unissent la Bretagne à la Belgique, Pierre Liebeart aimerait axer cette résidence sur l’élevage du porc en explorant un autre champs de la ruralité, au travers cet animal qui possède en outre une charge symbolique quasi universelle. En 2017, il a suivi les pérégrinations d’un vétérinaire de campagne et d’un couple gérant une exploitation en passe de disparaître. Il en a tiré un poème sombre romantique et intriguant sur le rapport de l’homme et de l’animal.
À l’occasion d’une résidence organisée par le Centre d’art GwinZegal, le couple d’artistes Cécile Hesse et Gaël Romier est venu poursuivre son travail de création en Bretagne. Ils ont trouvé, dans l’estran des côtes du nord de la Bretagne, le théâtre parfait de leurs actions. Le choix de l’estran n’est pas anodin, à la limite entre deux mondes, la terre et la mer ; l’un matériel et restreint, l’autre invitant à un ailleurs en lien avec les forces cosmiques, porteur d’une rêverie qui touche aux origines de l’être et du monde. Nulle figure humaine n’encombre ces paysages, où l’on lit tout au plus quelques formes hybrides à la lisière de l’animal, de la mythologie et du végétal. Les artistes ont choisi d’opérer la nuit, dans l’obscurité, clandestinement, comme pour communier dans ce sentiment d’incertitude et de subjectivité, familier des premiers hommes. La production des images de Hesse & Romier est le fruit d’une mise en scène minutieuse : repérages, croquis préparatoires, casting, mise en lumière, rien ne semble laissé au hasard. La juxtaposition des objets, des signifiants et des situations construit les fondations d’une nouvelle tour de Babel. C’est bien dans ce glissement que Cécile Hesse et Gaël Romier définissent la barbarie : quand les images prennent le pouvoir, qu’elles s’expriment et nous interpellent dans une langue étrangère, qu’elles naissent et existent dans un univers qui leur est propre.
Un repas chanté suivi d’un fest-noz dans un petit village du Centre-Bretagne durant l’hiver 2014 : c’est ainsi qu’Anne Golaz s’est prise d’intérêt pour le chant traditionnel. Pour capter des instants fragiles, fugitifs, l’intériorité de l’interprétation, Anne Golaz a choisi de créer un studio en sortie de scène, au plus près des chanteurs et des chanteuses, en travaillant à la chambre, dans un rapport intime avec les interprètes.
« L’expression du chant en particulier m’intéresse pour le challenge qui accompagne sa représentation visuelle. J’ai choisi de photographier les chanteurs des festoù-noz juste après leur passage sur scène, leur demandant de répéter certaines chansons. Cette fois uniquement pour l’appareil photo, dans le contexte du studio, je les photographie au grand format. Le dispositif lourd de la chambre crée un rapport particulier à la prise du vue et au modèle. En quelque sorte, il recrée une autre scène où les chanteurs performent cette fois a capella. L’expression des visages et les postures des corps transcrivent le langage visuel du chant, l’émotion associée, la concentration, l’effort, et le rapport au meneur (kaner) ou au diskaner (qui répète). »
Avec la série qu’il développe autour des costumes et des coiffes, Charles Fréger poursuit sa quête des « communautés inactuelles », comme le souligne Michel Poivert. Comme dans ses séries précédentes, son travail auprès des cercles celtiques révèle l’enjeu à l’œuvre dans le travail du photographe : rendre visible ce que les représentations en usage dans la société individualisée et mondialisée nous désignent comme anachronique. Ces communautés de femmes et d’hommes, jeunes pour la plupart, sont reliées par l’expérience contemporaine d’une sociabilité ou d’un rapport à l’Histoire que nous croyons, à tort, être suranné. Le modus operandi que le photographe met en œuvre de manière récurrente et avec rigueur dans cette série − comme dans les précédentes − obéit à des choix formels : un souci de la pose et du fond devant lequel se tient le modèle, l’usage du flash qui dégage la silhouette de son environnement, la volonté d’imprimer à ses portraits in situ, au-delà du simple enregistrement, une expression de mise en scène doublée d’une esthétique de l’immobile. Mais ce qui compte tout autant aux yeux du photographe que la nature esthétique du costume, c’est l’expérience physique, contraignante − voire douloureuse dans certains cas −, afférente au port du costume, et qui détermine une posture, un maintien, parfois une rigidité. Le costume est avant tout une discipline, marquant l’acceptation des règles d’appartenance qui passe par un effacement de la singularité. Le costume devient le révélateur d’un « autre » relié à des pratiques dont les origines remontent parfois loin dans le temps.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Trois photographes, accueillis en résidence, ont porté leur regard sur notre territoire pour révéler sa richesse et sa diversité. Leurs trois écritures portent sur les thématiques du paysage, de la forêt et de ses usagers, et enfin des acteurs du monde agricole. Un quatrième volet évoque, grâce aux images d’archives, le travail des femmes dans la société rurale au XXe siècle.
Visages de la ruralité est un projet mené par le Pays de Guingamp en partenariat avec le Centre d’art GwinZegal. Il bénéficie des fonds européens Leader et du soutien du Département des Côtes-d’Armor.
Promenons-nous dans les bois /Patrick Kuhn
Patrick Kuhn a sillonné bois et forêts à la recherche de celles et ceux qui s’y promènent, travaillent, cueillent, chassent ou plus simplement rêvent. Ses images nous donnent à voir cette communauté « invisible » de la forêt, tout en nous invitant à partager avec lui l’esprit des contes de l’enfance qui habite ces lieux.
Agriculture : terres de contrastes /Roland Schmid
De l’exploitation intensive dans ses méthodes de culture à la ferme conduite suivant les principes de l’agriculture biologique, en passant par l’entrepreneur de travaux agricoles, le vétérinaire… le monde agricole contemporain est composé de multiples acteurs. C’est à dresser le portrait de cette grande diversité que s’est attaché Roland Schmid.
Paysages parcellaires /Juraj Lipscher
Juraj Lipscher est fasciné par le « paysage de haies » qui organise notre environnement. Cette forme d’un paysage « sous contrôle », qui clôture de manière assez opaque et relativement récente nombre de parcelles entourant des maisons particulières, est à mettre en écho avec un paysage de champs de plus en plus vastes, dans lequel les talus qui constituaient l’essence du paysage breton ont une forte tendance à disparaître. Contraste saisissant, ponctué de la part du photographe de quelques clins d’œil.
Dalila Ingold, jeune photographe suisse, s’est « invitée » à la table de multiples représentant(e)s de la société costarmoricaine contemporaine. Seul(e) ou en famille, jeunes et moins jeunes, retraité(e)s ou actifs… elles, ils, se sont prêtés avec patience et de bonne grâce au jeu de la prise de vue. Ce travail encore en cours offre un point de vue singulier sur la diversité mais aussi l’unité de nos manières « d’être à table ».
Cédric Martigny a réalisé une série de portraits de communautés de travail dans des entreprises liées par l’économie du bois. Bûcherons, propriétaires forestiers, gardes forestiers, constructeurs de maisons en bois, fabricants de meubles, sabotiers… ces portraits disent toute l’importance et la richesse de ce matériau dans l’économie du département des Côtes-d’Armor, mais aussi et surtout l’importance de la place des femmes et des hommes dans la préservation et la transmission de ces savoir-faire. C’est aussi renouer avec une tradition très ancienne : la présence du photographe dans l’entreprise pour réaliser un portrait de groupe de ses employé(e)s.
Patrick Messina a entrepris un travail sur la ville de Brest, ville emblématique dont l’histoire se lit dans l’architecture et l’urbanisme. Le photographe privilégie dans son travail l’organisation formelle de la ville, et il se place volontairement dans un rapport à elle subjectif. Ce qui l’attire c’est « l’esthétique » de la ville, son « décor », l’inventivité de l’homme pour construire des « scènes » qui deviendront le réceptacle de nos vies, heureuses ou malheureuses. La ville est un entrelacs de fluidité, de formes, de lumières, de hasards, de ruptures, de rencontres… où les hommes construisent une multitude de destinées singulières qui se croisent, s’affrontent, se regroupent… dans des échelles de temps différentes. De son histoire militaire et ouvrière à la reconstruction de l’après-guerre, Brest reste une ville atypique dans le paysage urbain de la Bretagne. C’est cette singularité qui a attiré l’attention de Patrick Messina.
La religion catholique, visible par le grand nombre et la diversité de ses manifestations architecturales (églises, chapelles, calvaires), occupe une place importante en Bretagne… mais elle connaît, ici comme ailleurs, une perte d’influence notable. Dans ce contexte, Isabelle Vaillant est partie au-devant de communautés de croyants qui, dans de petites communes du Centre-Bretagne, vivent leur religion au quotidien. Le travail de prise de vue à l’occasion des multiples rituels et échanges qui jalonnent la vie de ces communautés a été rendu possible par la confiance établie entre la photographe et celui que l’on désigne familièrement en Bretagne sous le nom de « recteur », en charge des paroisses dans lesquelles Isabelle Vaillant a travaillé. La série de portraits montre une communauté vivante, loin des clichés, et soucieuse de se dévoiler dans sa simplicité.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Janne Lehtinen, photographe finlandais reconnu pour l’enregistrement photographique de mises en scène dont il est le principal protagoniste, a parcouru le littoral breton à la recherche d’espaces, théâtre de ses performances.
Se jouant des éléments − le vent, la lumière −, de la diversité des paysages, d’accessoires empruntés à la vie quotidienne, il construit une narration poétique et absurde à la fois, dans de grands tirages qui sont aussi un écho aux paysages traversés.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Dans sa série Deposit, Yann Mingard s’interroge sur cette volonté organisée, à l’échelle de la planète, de constituer des lieux de préservation afin de mettre à l’abri, parfois dans de solides « bunkers », les semences végétales et animales nécessaires, selon les promoteurs de ces lieux de préservation, pour pallier la dégradation de la biodiversité induite par nos sociétés contemporaines. Cette volonté de préserver, pour les générations à venir, la diversité du vivant n’est pas sans poser de multiples questions sur la finalité de certains de ces programmes. La maîtrise, par ailleurs toute relative, de ce « capital vivant », lorsqu’il est le fait de grands groupes privés, donne à son accès une dimension politique et économique qui échappe aux paysans, les utilisateurs les plus directement concernés. Les images réalisées en Bretagne à cette occasion par Yann Mingard se rapportent au Conservatoire botanique national de Brest, consacré aux plantes rares en danger d’extinction, et à la station expérimentale de l’Inra au Rheu, en Ille-et-Vilaine, qui sélectionne des semences animales. Yann Mingard a pris le parti de ne montrer de ces lieux de préservation que les intérieurs. Les acteurs directement à l’œuvre dans ces processus sont très peu présents sur les images, comme pour mieux souligner la place toute relative faite à l’homme dans ces programmes qui prétendent perdurer bien au-delà de la simple vie d’un être humain.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Alexandra Catiere et Raphaël Dallaporta ont arpenté au fil de l’eau le Trieux, fleuve côtier qui prend sa source à Kerpert, dans le Centre-Bretagne, pour finir sa course dans l’archipel de Bréhat. Alexandra Catiere a cheminé le long du fleuve pour réaliser un portrait sensible et poétique de toutes celles et ceux qui vivent quotidiennement à son contact. Raphaël Dallaporta a survolé le long ruban d’eau pour nous faire partager un point de vue proche par certains aspects de celui des oiseaux dont l’espace de vol se partage entre la terre et la mer.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Le travail réalisé en Bretagne par Mathieu Pernot autour des bunkers datant de la Seconde Guerre mondiale relève à la fois d’une réflexion sur la nature du paysage tel qu’il se conçoit, s’observe, se scrute à travers les fenêtres d’observation et de tir de ces constructions militaires, et une expérimentation, dans des conditions parfois acrobatiques, du procédé antérieur à la photographie, la camera obscura. Le processus mis en œuvre par le photographe à l’occasion des prises de vues relève de la performance et ajoute une dimension stochastique à l’acte photographique lui-même.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Photographe allemand installé depuis de nombreuses années en France, Florian Tiedje consacre une partie de son temps à réaliser des tirages pour d’autres photographes. Cette connaissance des possibilités du médium, le photographe l’a mise au service d’une recherche sur la représentation du paysage comme espace de mise en scène, où la place de l’homme est à la fois mystérieuse, dérangeante et parfois énigmatique. Son travail en couleur est construit en diptyque ou en triptyque.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Photographe slovaque installé en Suisse depuis 1968, chimiste de formation, Juraj Lipscher parcourt le littoral breton pour en détacher des paysages en noir et blanc d’une grande rigueur formelle. Sa démarche rompt avec une représentation trop souvent stéréotypée du paysage breton.
Accueil en résidence réalisé avec la participation des fonds européens Leader, et du Pays de Guingamp ; et avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, de la Région Bretagne, du conseil général des Côtes-d’Armor et de la Ville de Guingamp.
Depuis de nombreuses années, Stéphane Duroy et Paulo Nozolino entretiennent un dialogue dans lequel la photographie sert de support. C’est à partir de leur pratique photographique respective qu’ils ont noué un échange autour de la question de l’Histoire et des empreintes laissées par les sociétés humaines, dans le quotidien de leur fonctionnement ou à l’occasion d’événements plus tragiques. Ce faisant, ils interrogent nos sociétés contemporaines et leurs dérives actuelles. Si leurs visions semblent parfois sombres et sans perspective, c’est que les deux photographes sont sensibles à la déshumanisation croissante de notre système social et économique, et témoignent, avec leur sensibilité, de leur empathie pour celles et ceux qui en sont les premières victimes, tout en affirmant leur appartenance à ce monde.
Depuis de nombreuses années, Stéphane Duroy et Paulo Nozolino entretiennent un dialogue dans lequel la photographie sert de support. C’est à partir de leur pratique photographique respective qu’ils ont noué un échange autour de la question de l’Histoire et des empreintes laissées par les sociétés humaines, dans le quotidien de leur fonctionnement ou à l’occasion d’événements plus tragiques. Ce faisant, ils interrogent nos sociétés contemporaines et leurs dérives actuelles. Si leurs visions semblent parfois sombres et sans perspective, c’est que les deux photographes sont sensibles à la déshumanisation croissante de notre système social et économique, et témoignent, avec leur sensibilité, de leur empathie pour celles et ceux qui en sont les premières victimes, tout en affirmant leur appartenance à ce monde.
André Mérian a poursuivi en Bretagne son questionnement du paysage en privilégiant ces « entre-deux », aux marges des zones côtières, des zones commerciales périphériques ou des zones de débordement urbain.
Olivier Metzger a photographié l’ensemble des métiers exercés au centre hospitalier Yves-Le Foll à Saint Brieuc. Il ne s’agissait pas de photographier toutes les personnes y travaillant, mais bien, pour chacune des fonctions identifiées, de réaliser le portrait d’un(e) professionnel(le) en représentant en quelque sorte l’archétype. Ce travail a permis de rendre « visible » la complexité et la diversité des fonctions à l’œuvre dans un hôpital, et le rôle central de l’homme. Dans un studio installé au sein de la structure, les « modèles » sont photographiés en tenue de travail, avec parfois un élément représentatif de la fonction exercée. Chaque modèle se retrouve hors de l’environnement de sa pratique professionnelle, dans un décor neutre. La raison de ce choix est double : En premier, il donne à l’ensemble des portraits une cohérence propre à définir la communauté de travail ; en second, il ne « hiérarchise » pas et rend ainsi perceptible l’interdépendance de toutes les fonctions de l’hôpital. C’est aussi la volonté de réaliser « un arrêt sur image » de l’histoire professionnelle de l’institution, de « dater » les métiers et les technologies mises en œuvre en 2008 dans le traitement des problèmes de santé. La grande qualité et subtilité du travail d’Olivier Metzger tient dans sa manière de rendre compte au plus près de la singularité de la personne photographiée tout en « l’intégrant » visuellement dans la communauté plus large des personnes œuvrant à l’hôpital. En contrepoint, le photographe a réalisé des « portraits » de machines, ces « assistants technologiques » qui occupent aujourd’hui une place de plus en plus importante et visible. En leur donnant un statut photographique à part entière, il met en lumière, au-delà de la dimension sculpturale de ces outils, l’évolution du rapport homme/machine et son enjeu pour l’hôpital. Enfin le photographe a souhaité restituer par des portraits de patients la finalité première de l’institution : soigner des hommes et des femmes. S’y ajoutent les portraits de tous ceux et celles − fleuriste, aumônier, imam, visiteur bénévole − qui, sans être directement rattachés à l’hôpital, participent au bien-être de l’ensemble.
À l’hôpital Yves-Le Foll à Saint Brieuc, Roland Schmid a scruté le rapport changeant, mouvant, parfois contradictoire, de l’homme et de la technologie à l’œuvre dans le champ de la santé. Dans cet univers où la sophistication technologique pourrait donner à penser que l’humain n’occupe plus la place centrale, il se saisit des gestes, des regards, des postures, des ambiances, des architectures, comme autant de matières à penser, à documenter ce rapport si complexe. L’hôpital, ce lieu paradoxal où se côtoient la naissance et la mort, est aussi l’espace géographique où s’entremêlent deux perceptions du temps : celle constituée du questionnement philosophique et spirituel sur la « finitude » de notre destinée d’homme (la vulnérabilité de notre statut de malade rend souvent ce questionnement plus sensible) ; et celle, très concrète, de l’activité médicale quotidienne dense et multiple. En s’immergeant pendant plusieurs semaines au cœur de l’hôpital, le photographe a souhaité restituer cette dualité en restant au plus près de la dimension humaine.
Le travail de Fernande Petitdemange, Au-delà des mers, est un lent cheminement dans l’univers de l’empreinte (parfois à peine perceptible), de la trace, de la décomposition, du fragment… Composant pas à pas son cabinet de curiosités, la photographe collecte, principalement en bord de mer, des objets qui échappent à notre regard devenu moins curieux à force de se contenter de ce monde trop évident qui nous est « offert » quotidiennement. Mais cette quête n’est pas de l’ordre de la classification, de la collection, qui nomme comme pour mieux écarter la singularité. Ici, ce qui est donné à voir est d’une autre dimension. La tête de turbot, qui d’ordinaire achève tristement sa vie dans le circuit de traitement de nos déchets, retrouve ici son mystère en nous ramenant loin dans ce temps que nous maîtrisons de moins en moins. Cette tête sans âge, les plumes, les algues, les bouts de cordage… sont autant d’invitations à un réenchantement de nos regards. Fernande Petitdemange ne cherche pas à imposer sa vision. À travers tous ces fragments qu’elle « emprunte » à l’oubli, elle révèle de manière sensible toute la fragilité de ce monde auquel nous appartenons.
Invité par l’association GwinZegal à venir « tenir studio » dans la communauté de communes de Lanvollon-Plouha, dans les Côtes-d’Armor, le photographe Malick Sidibé a réalisé au cours de son séjour plus de trois cents portraits. Cet ensemble fonctionne comme un portrait sensible de la communauté de tous ceux et celles − résidents, touristes, saisonniers… − qui ont partagé ce territoire l’espace de ces trois semaines. L’ancien combattant, le pompier, la boulangère, le retraité, l’animateur du bal du 14 Juillet, le baigneur, le banquier, la comédienne, la postière… sont photographiés en studio dans un décor et une lumière identiques. Chaque modèle se retrouve alors hors de son environnement quotidien, dans un jeu de miroirs avec le photographe et la question de la représentation. Le travail réalisé par Malick Sidibé en Bretagne s’inscrit dans la continuité d’une longue et riche œuvre de portraitiste entamée en 1962 et couronnée en 2003 par le prestigieux prix Hasselblad.
Pendant plus de trois mois, le photographe a sillonné le territoire du pays de Guingamp dans son minibus. Originaire de Janské Lázně, Bohdan Holomíček a documenté, et les gens de cette région rurale et montagneuse de la République tchèque, proche de la frontière polonaise, et les dissidents tchèques rassemblés autour de son ami et voisin Václav Havel. En Bretagne, Bohdan Holomíček a découvert un univers à la fois proche et différent de son village d’origine. Ses photographies sont à son image, chaleureuses, directes, au plus près du moment qu’il a partagé avec les très nombreuses personnes rencontrées à l’occasion de son périple. Au total plus de six cents photographies, qu’il a développées la nuit et tirées comme à son habitude dans un format proche d’une feuille A4. À l’issue de son séjour, six expositions ont été organisées simultanément dans deux cafés, une mairie, une église, un lieu associatif et le siège de la communauté de communes de Lanvollon-Plouha, avec pour principe un accrochage à partir de tirages non encadrés, directement punaisés sur les murs.