Barbarians
Hesse & Romier
27 juin–04 novembre 2018

Dans le cadre des voyages photographiques au fil de l’eau

Espace François Mitterrand, Guingamp

Barbarians - © Le Centre d'art GwinZegal
Barbarians - © Le Centre d'art GwinZegal
Barbarians - © Le Centre d'art GwinZegal
Barbarians - © Le Centre d'art GwinZegal

À l’occasion d’une résidence organisée par le Centre d’art GwinZegal, le couple d’artistes Cécile Hessse et Gaël Romier a poursuivi son travail de création en Bretagne. La relation des deux artistes n’est pas nouvelle, puisqu’ils œuvrent ensemble depuis une vingtaine d’années déjà. Leurs précédents travaux pourraient laisser croire que leur lieu de vie, ou de travail, n’a aucune influence sur leur œuvre, tant leur imaginaire semble libéré de tout contexte. Il n’en est rien : ils ont trouvé dans l’estran des côtes du nord de la Bretagne le théâtre parfait de leurs actions.
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Nul besoin de rideau à cette représentation immobile, c’est la marée qui recouvrira quotidiennement la scène, effaçant les traces de leur passage, qui, comme le rêve, dans cette sensation mitigée entre l’agréable et le dérangeant, nous fait douter l’espace d’un instant de la frontière entre le réel et le songe. Le choix de l’estran n’est pas anodin, à la limite entre deux mondes, la terre et la mer ; l’un matériel et restreint, l’autre invitant à un ailleurs en lien avec les forces cosmiques et porteur d’une rêverie qui touche aux origines de l’être et du monde. Nulle figure humaine n’encombre ces paysages, où l’on lit tout au plus quelques formes hybrides à la lisière de l’animal, de la mythologie et du végétal — à l’instar du personnage du headbanger, qui, figé dans son mouvement, évoque, silencieux les gesticulations d’une pieuvre en colère ou le feuillage d’une plante exotique.
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De ce décor de l’estran, d’ordinaire si spectaculaire, on n’aperçoit que le sol de sable immaculé. Les artistes ont en effet choisi d’opérer la nuit, dans l’obscurité, clandestinement, comme pour communier dans ce sentiment d’incertitude et de subjectivité, familier des premiers hommes, et propice aux apparitions fugitives. La production des images de Hesse & Romier est le fruit d’une mise en scène minutieuse : repérages, croquis préparatoires, casting, mise en lumière… Les objets sont choisis pour leur plastique, leur matière, leur étrangeté… Rien ne semble laissé au hasard. Pourtant, au delà des symboles qu’il nous est permis de décrypter, quelque chose dans leurs images résiste encore à l’analyse tant du spectateur que de leurs créateurs — et nous renvoie à nous-mêmes, à notre histoire, à nos fantasmes. La juxtaposition des objets, des signifiants et des situations construit les fondations d’une nouvelle tour de Babel. C’est bien dans ce glissement que Cécile Hesse et Gaël Romier définissent la barbarie : quand les images prennent le pouvoir, qu’elles s’expriment et nous interpellent dans une langue étrangère, et qu’elles existent (et naissent) dans un univers qui leur est propre, régies par un ordre ou un chaos qui nous échappe.
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Barbarians a fait l’objet d’une publication aux Éditions GwinZegal.

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