Acre
Pino Musi
18 mars–28 juin 2017

du 18 mars au 14 avril 2017 : CAUE des Côtes-d’Armor
Saint-Brieuc 

du 16 mai au 28 juin 2017 : Institut culturel italien, Londres

Acre - © GwinZegal
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Quand Pino Musi entame, en avril 2016, une série photographique dans les Côtes- d’Armor, cette zone géographique est pour lui une terra incognita. À l’invitation du Centre d’art GwinZegal, le photographe italien, basé à Paris, allait trouver l’opportunité de conduire pour la première fois de sa carrière une campagne au long cours de plusieurs mois. […]
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Plaçant l’architecture au cœur de sa pratique, Pino Musi a porté initialement son intérêt vers la structure des bâtiments agricoles et des corps de fermes, qui ponctuent le paysage de bocage d’une campagne tournée essentiellement vers l’élevage et la production laitière. Une telle attention pour les espaces a priori sans qualités d’une société rurale précaire, reculée à l’intérieur des terres, loin des grands centres urbains, distingue ce projet de cas précédents qui s’attachaient en priorité aux zones côtières plus touristiques de la région, à l’exemple de Suzanne Lafont dans le cadre de la Mission photographique de la DATAR, ou de Thibaut Cuisset, missionné entre 1994 et 1998 dans les Côtes-d’Armor par l’Observatoire photographique du paysage. La campagne d’exploration, menée sur une vaste étendue du centre de la Bretagne sillonnée en voiture, a vite révélé une certaine équivalence entre la typologie du bâti des fermes traditionnelles et celle des constructions sans âme de lotissements périurbains. […]
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Ce parcours débute par des abris de fortune bordant les routes, auxquels succèdent hangars et exploitations agricoles, il passe ensuite auprès d’imposants bâtiments de l’industrie agroalimentaire, s’attarde dans des bourgs en voie de déserti cation, avant de s’achever dans les zones pavillonnaires liées au phénomène de rurbanisation.
Le photographe décrit ici, avec précision et sans emphase, une campagne fragile et paradoxale, dont le caractère ancestral et immuable s’oppose à une mutation accélérée. Ses images aux tons gris dénués de contraste, vides de toute présence humaine, traduisent la monotonie et l’atmosphère suspendue des lieux, que vient renforcer l’absence d’indices temporels, à l’exception de rares automobiles. Enregistrées à l’aide d’un appareil numérique et sans recours systématique au trépied pour gagner
en spontanéité, les photographies résultantes n’en af chent pas moins les attributs du travail à la chambre, outil habituel dans la panoplie du paysagiste : géométrisation af rmée, équilibre de la composition et neutralité stylistique doublée d’une grande qualité descriptive. La question du point de vue s’avère aussi déterminante, tant il faut à l’opérateur choisir la bonne distance pour dé nir clairement les relations spatiales entre les différents éléments. Car c’est bien à un jeu d’ordre formel que se consacre *Pino Musi$, lui qui a été nourri par l’esthétique minimaliste et qui se montre désireux de trouver dans le réel l’équivalent des formes plastiques de l’abstraction géométrique. Un certain nombre de ses images insistent sur l’enchevêtrement des constructions successives, tandis que d’autres isolent jusqu’à la monumentalité des vues frontales qui barrent l’horizon du paysage. […]
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Alors que son enregistrement neutre et équilibré de façades aveugles évoque immanquablement le souvenir d’un Walker Evans, c’est l’ascendance de l’œuvre de Lewis Baltz qui semble davantage encore façonner sa démarche. Au regard de ce corpus d’images, on mesure combien la photographie et l’architecture sont liées par un indéfectible esprit de connivence. En effet, les deux disciplines ont en commun une conscience aiguë de l’espace, de la lumière et de la matière. L’une et l’autre soumettent avant tout un agencement de formes, de volumes, de reliefs, de pleins et de vides. […]
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Dans un subtil équilibre entre objectivité et sensibilité, l’art de Pino Musi se caractérise par une vision documentaire augmentée par une expérimentation sur la forme. Mû par cette volonté d’objectivation du paysage, non dénuée pour autant de considérations sur le contexte socioculturel et environnemental du site investi, il parvient à requali er ces lieux comme paysages, à restaurer une dignité à l’humble réalité de ce monde rural.
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Extrait du texte Campagne photographique d’Alexandre Quoi, Acre, éditions GwinZegal, 2017.

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