Nina ferrer-gleize

Par le biais de ma pratique photographique, je m’intéresse à la façon dont le territoire peut être façonné d’une part par le travail de l’homme, d’autre part par les sédimentations de temps et d’histoires qui le parcourent. Je souhaiterais développer un travail artistique autour du village de Saint-Servais, en cherchant donc naturellement à mettre en dialogue la vie rurale, voire agricole, de la région, avec l’histoire des lieux, et les légendes et récits qui en découlent. Mes premières recherches m’ont permis de repérer la forte présence du minéral au sein de Saint-Servais : les menhirs jumeaux de Kerbernès, le dolmen de Roc’h Du, mais aussi les rochers particuliers des Gorges de Corong ou encore les anciennes carrières. Ces formes étonnantes, intrigantes, convoquent le Néolithique, l’Âge du Bronze, mais aussi les temps plus anciens de la formation de ces roches. La présence d’un grand lac, réputé pour ses volumineuses carpes, évoque quant à lui une faune marine très ancienne (les premières occurrences d’élevages de carpe sont attestées dès le Néolithique également).
À travers des temps longs passés à Saint-Servais, à apprendre à connaître ce territoire et ses habitants par le biais de l’arpentage, des rencontres, des recherches, et de la prise de vue photographique, je souhaite explorer les façons de faire interagir les légendes, l’histoire du village, avec la vie rurale et les pratiques agricoles d’aujourd’hui. Quelles relations au sol, aux pierres, à ces formes minérales historiques aujourd’hui ? Quelles interactions entre les croyances ancestrales, les légendes, et les pratiques actuelles plus rationnelles du travail du sol ?
Quels langages visuels spécifiques à Saint-Servais la photographie peut-elle déceler, par la rencontre entre l’actuel et le passé ? Cette exploration photographique serait accompagnée par une pratique de l’écriture, sur les traces de deux figures tutélaires qui me sont chères, George Sand et Jeanne Favret-Saada, chacune dans leur époque et leur champ respectifs. Mon travail photographique est habité par ma relation à la littérature et à la langue ; je suis ainsi très intéressée par les spécificités du breton et de son apprentissage, à l’oral comme
à l’écrit. Des recherches autour de l’histoire de sa langue, et de sa transmission actuelle, pourraient irriguer ma compréhension des relations entre le territoire rural de Saint-Servais et son histoire sédimentée.
Le travail produit prendrait la forme de photographies et de textes, mais à ce stade, d’autres dispositifs de documentation (collecte d’archives, travail sonore, dessin…) ne sont pas exclus. J’envisage également de mettre en place des temps de dialogue, d’échange, de présentation du travail avec les habitant·es du village, adultes et enfants. Enfin, un journal de résidence numérique, envoyée par mail sur le principe d’une newsletter par exemple, pourrait être mis en place — c’est une forme de transmission dont je suis familière et qui est un moyen riche de produire des échanges autour d’un travail.

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