Silences
Anne Golaz
June 24, 2017

Espace François Mitterrand, Guingamp

Festival No Border, Brest

Silences - © Le Centre d'art GwinZegal
Silences - © Le Centre d'art GwinZegal
Silences - © Le Centre d'art GwinZegal
Silences - © Le Centre d'art GwinZegal
Silences - © Le Centre d'art GwinZegal
Silences - © Le Centre d'art GwinZegal
Silences - © Le Centre d'art GwinZegal

La photographie excelle à nous donner une image presque fidèle du champ du visible, mais si une chose lui est mécaniquement et supposément étrangère, c’est bien la reproduction du son, de la musique, de l’immatériel. C’est pourtant ce médium que l’artiste Anne Golaz a choisi d’employer pour dresser le portrait silencieux de chanteurs bretons.
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Depuis ses premières séries réalisées dans le canton de Vaud, avec les sujets de son entourage proche et les membres de sa famille, Anne Golaz inscrit sa recherche dans l’exploration du monde paysan et des traditions populaires. Il n’est donc pas surprenant que, à l’occasion d’une résidence d’artiste organisée par le Centre d’art GwinZegal en Bretagne entre 2014 et 2016, elle ait porté son attention sur cette pratique ancestrale enracinée dans la terre. L’image du chanteur est largement véhiculée dans notre société des médias et se confine habituellement dans la représentation maîtrisée d’une figure héroïque et mythifiée — bien loin de la vérité d’une pratique populaire. La photographe a choisi d’aller au plus près des lieux où le chant est pratiqué aujourd’hui en Bretagne : fest-noz, veillées, festivals, concours… À chaque fois, telle une photographe itinérante d’un autre temps, elle a improvisé un studio photographique en installant un fond de tissu blanc, une vieille chambre Sinar et un puissant système d’éclairage. Puis elle a demandé aux interprètes, juste après leur passage sur scène, de répéter a capella certaines chansons, mais cette fois uniquement pour l’appareil photographique. Le portrait pratiqué à la chambre a ceci de particulier que le photographe ne se situe pas derrière l’appareil, mais sur le côté, ce qui modifie le rapport au modèle mais aussi au cadrage. Une fois le cadre posé, le modèle se trouve contraint à un espace et une profondeur de champ précise — et se trouve pour ainsi dire dans un face-à-face avec l’objectif -, quitte à parfois sortir du cadre par accident. 
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Le dispositif de studio, imposant et parfois laborieux, qu’a choisi la photographe recrée ainsi un autre type de scène, un espace décontextualisé, pour tenter de saisir ce qu’il y a de purement visible dans l’expression du chant, un instant bref, un sou e, une émotion ou simplement un visage qui s’offre à l’objectif. Le choix du moment particulier de la sortie de scène, après l’effort est également décisif. Le procédé est efficace, l’intensité et la présence sont là. L’éclair du flash gèle un mouvement, une respiration qui semble durer au-delà de la photographie — et place les êtres comme en suspens. Certains semblent s’oublier littéralement ; d’autres sont plus réservés ou gardent le contrôle ; d’autres encore performent véritablement pour la camera. Plus que la personnalité intime, dont la photographie ne fait qu’effleurer la part de mystère, les visages qui chantent expriment la concentration, l’effort physique, la douleur, la joie, et parfois une communion avec des textes profonds, transmis de génération en génération pendant plusieurs siècles, qui alternent des airs à danser et des chants tristes à pleurer, racontant la mort, les naufrages, les épidémies… Que les chanteurs soient seuls ou à plusieurs, cadrés en plan américain ou en gros plan, le fond blanc réduit la rencontre à l’essentiel. Les vues sont frontales, dépouillées ; pas d’objets pour se cacher ou d’accessoires pour marquer une quelconque appartenance sociale — à chacun d’imposer son identité, sa singularité. Anne Golaz a photographié sans distinction aussi bien des amateurs que des professionnels : c’est bien là la richesse et la grande force de transmission de cette culture populaire. L’âge aussi importe peu, en attestent les longs rubans humains des fest-noz, où se côtoient pour marteler le sol les têtes juvéniles et les visages marqués par le temps.
Anne Golaz a également choisi de partir à la recherche d’archives filmiques et photographiques dans différents fonds bretons. Comme un contrepoint de ses images, qui se concentrent sur les bustes, les visages, elle associe les archives filmiques de l’ethnologue Jean-Michel Guilcher, dont les travaux, d’une portée internationale, sur la danse traditionnelle font autorité au sein de la communauté scientifique. Dans l’enquête qu’il a menée, Jean-Michel Guilcher a filmé, sans prétention artistique mais de manière rigoureuse, les différentes danses traditionnelles telles qu’elles étaient pratiquées dans les années cinquante et soixante en basse Bretagne. Le chant et la danse faisaient encore partie du quotidien du monde rural. Dans ces films courts, tournés en noir et blanc muet, le cadre se focalise sur les jambes et les pieds des danseurs. Malgré ce cadrage resserré, les images laissent deviner un contexte : les cours de ferme, la place du village, le battage, symboles d’une société paysanne aujourd’hui révolue.
En Bretagne, la transmission de la danse d’une génération aux suivantes a reposé à peu près uniquement sur sa manifestation incessante. Le paysan breton d’hier n’a eu besoin pour danser ni de saison, ni de fêtes, ni de dates qui y fussent propres ; tous les temps lui ont été bons. La danse réunit les âges et les conditions. Elle est suivant les jours plaisir pur, accompagnement du travail, pratique utilitaire, élément d’un cérémonial, parfois objet de compétition, sans cesser d’être la même danse d’un bout de l’année à l’autre. Elle est beaucoup plus qu’un amusement : l’instrument d’une expression personnelle où chacun s’engage tout entier ; le moyen d’une communion ; la source d’un équilibre et d’un bonheur. 
Jean-Michel Guilcher
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Un autre corpus d’images d’archives est également convoqué. Il s’agit de celles du Groupement culturel breton des pays de Vilaine, association organisatrice du concours de chant de la Bogue d’or à Redon. On y découvre des photographies datant des années soixante-dix de la « montée sur scène » des chanteurs, qui, vu l’ampleur croissante et le succès de ces manifestations, durent sortir de la ronde, monter sur scène et ampli er leurs voix. Elles symbolisent et racontent ce moment de fracture entre la culture de nos ancêtres et le monde ampli é et « moderne ».
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Vincent Morel, de l’association Dastum chargée de collecter et conserver tout ce qui concerne le patrimoine culturel immatériel de Bretagne, est l’auteur d’un texte accompagnant cette exposition et resituant la pratique du chant dans son contexte historique et sa forme contemporaine.
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RENCONTRE AUTOUR DE L’EXPOSITION
Concert de Krismenn et Alem, human beat box et hip hop breton le
jeudi 13 juillet 2017

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