La ville, telle qu’elle s’est développée à partir de la révolution industrielle, a fasciné nombre d’artistes. La concomitance de l’invention de la photographie et de la transformation urbaine radicale liée à la révolution industrielle a rendu possible le renouvellement du regard sur la ville, en rompant avec une représentation par trop figée (gravures et plans) dans laquelle le monument occupait une position centrale. Très tôt, la photographie va se saisir, dans ce monde en perpétuel mouvement, de la figure du piéton, de la vitesse, de la nuit et sa profusion de lumières artificielles, des jeux de reflets et de miroirs auxquels se prêtent les vitrines des magasins, des signes urbains, de l’hétérogénéité des populations… De même le cinéma va utiliser l’espace urbain comme cadre et arrière plan de sa création et participer à la production d’une représentation de la ville, qu’elle soit réelle ou imaginaire. Paris, New-York, Berlin, Londres… vont devenir les « sujets », actifs ou passifs, à partir desquels de très nombreux photographes et cinéastes vont expérimenter la « plasticité » de ces deux medias.
DreamWorld de Leo Fabrizio, Wayfaring de Patrick Messina, Prague Shop Windows d’Iren Stehli et Bus Odyssey de Tom Wood prolongent ce travail photographique « d’inventaire visuel » autour de l’espace urbain, en rendant compte, chacun avec une écriture singulière, des rapports et des expériences multiples qui le traversent. En 1927, Walter Ruttmann réalise une œuvre cinématographique d’une grande audace formelle, Berlin, symphonie d’une grande ville, pour souligner la métamorphose à l’œuvre dans la capitale allemande des années trente. Quelque cinquante ans plus tard, le cinéaste Godfrey Reggio réalise avec la même audace, Koyaanisqatsi, un long poème visuel sur la société technologique et de consommation de masse avec un propos oscillant entre critique et fascination.