L’Échappée
Exposition inaugurale
April 26–June 09, 2019

Alexandra Catiere
Malick Sidibé
Mark Neville
Samuel Gratacap
Charles Fréger
Mathieu Pernot
Aurore Bagarry
Roman Signer
Pino Musi
Juraj Lipscher
Raphaël Dallaporta

Espace François Mitterrand
Centre d’art GwinZegal
Stade de Roudourou

Ouvert du mercredi
au dimanche
de 14 h à 18 h 30
jusqu’au 9 juin

L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal
L’Échappée - © Le Centre d'art GwinZegal

Cette exposition réunit un ensemble de projets à la fois récents et inédits, et des œuvres plus anciennes qui ont marqué l’histoire du Centre d’art GwinZegal. Venus d’horizons différents, ces artistes sont allés, par leur pratique artistique à la rencontre des hommes et des femmes, des cultures, des communautés, des espaces et de l’histoire, qui font de ce territoire breton un espace unique et complexe. Invités à venir créer en résidence, ils ont accepté ce risque de produire des œuvres nouvelles, de s’ouvrir et de parler d’eux, de regarder et de parler de nous. Ils ont actualisé cette image d’une Bretagne tiraillée entre une culture séculaire, des paysages immuables, et une modernité en pleine accélération, parfois à mille lieues des visions romantiques — à l’aventure par les champs et par les grèves — de l’écrivain Gustave Flaubert voyageant avec son ami le photographe Maxime Du Camp.

L’échappée, se déploie à la fois dans les murs de la prison et sur ceux de l’espace François-Mitterrand. Les cimaises de La Prison accueillent des projets en relation étroite avec des communautés humaines. Les artistes Alexandra Catiere, Malick Sidibé, Mark Neville, Samuel Gratacap et Charles Fréger ont choisi de mettre en lumière ce qui nous rassemble par-delà nos différences. Dans l’espace François-Mitterrand, Mathieu Pernot, Aurore Bagarry, Roman Signer, Pino Musi, Juraj Lipscher et Raphaël Dallaporta développent des projets reflétant le territoire physique, les lieux et leur imaginaire, les paysages naturels et bâtis. Un partenariat exceptionnel a également été noué avec le club de foot En Avant Guingamp qui exposera dans le stade une quarantaine d’images en grand format du photographe Mark Neville. Le club d’En Avant Guingamp est un véritable phénomène populaire puisqu’il réunit à chaque match plus de 15.000 supporters, soit plus du double de la population de la ville de Guingamp.

Le photographe anglais Mark Neville a choisi de prendre pour point de départ les supporters du club de football local, pour ensuite dresser un portrait bien plus large des habitants de Guingamp et des environs. Son travail nous dévoile une société traversée d’une diversité et d’une richesse incroyables. S’il est imprégné d’une préoccupation documentaire toute anglaise, au plus près des aspérités du monde, il dévoile également une grande subjectivité dans le choix de ses modèles et la manière de les représenter. L’artiste les met délibérément en scène par un savant jeu de lumières, jusqu’à nous faire douter de la véracité des situations et de la capacité de la photographie à représenter le monde de manière objective.

Charles Fréger, dans une forme de rigueur anthropologique qui traverse l’ensemble de son œuvre, aborde le sujet des traditions bretonnes et montre la persistance de communautés constituées autour de costumes et de rituels qui n’ont rien de folklorique. Les Bretonnes en coiffe qu’il photographie sont bien des filles du XXIe siècle, actrices d’un monde et d’une culture en mouvement, loin de la vision figée d’une reconstitution historique à laquelle la précision des clichés pourrait nous faire croire.

Malick Sidibé, l’un des photographes les plus importants du continent africain, a perpétué la tradition aujourd’hui désuète des photographes de studio, en ouvrant au cours de sa résidence un studio pignon sur rue dans un village des Côtes-d’Armor, à l’image de celui qu’il a tenu à Bamako pendant plus de 40 ans. Tour à tour s’y succèdent un cycliste et sa machine, des badauds de passage, quelques touristes, des modèles dont la plupart ignorent la notoriété du photographe et participent à la construction d’une fresque plus large, celle de l’image d’une société à un temps donné. L’espace du studio est contraint, ses quelques mètres carrés semblent concentrer une atmosphère de complicité enveloppant l’espace d’un instant le photographe et son modèle. Dans l’expression des visages et la liberté des poses, on peut lire la gaieté ambiante de la prise de vue, caractéristique du grand portraitiste malien.

Alexandra Catiere, est une photographe originaire de Biélorussie. La modernité de ses portraits n’est pas à rechercher dans les effets de mode ou une quelconque extravagance technique. Elle retourne aux origines de la matière photographique, au noir et blanc, au recadrage, au laboratoire et à ses accidents. Les visages qu’elle dépeint semblent baigner dans un temps suspendu. Impossible de dire si ces images contemporaines sont d’hier ou d’aujourd’hui, si elles sont des fragments de photographies de famille ou des images trouvées.

Chacun, dans des formes différentes, montre le même désir de formuler une représentation des hommes et des femmes habitant le territoire. L’exposition conjointe de leurs travaux met en regard des communautés qui vivent souvent à quelques kilomètres les unes des autres, se rejoignant parfois ou s’ignorant, délibérément ou non. 

Samuel Gratacap est un jeune photographe aguerri aux conflits. Depuis quelques années déjà, il mène un travail en Libye; sa démarche pourtant est à contretemps de celle des médias : il travaille lentement, mélange les techniques en ignorant soigneusement l’urgence et l’affolement qui régissent le monde médiatique. Il a choisi ici pour terrain d’exploration le lieu de vie d’une communauté de gens du voyage. Il n’est pas le seul auteur de ces images, puisqu’il a fait participer les enfants rencontrés, tour à tour acteurs, sujets et photographes.

Raphaël Dallaporta, documente la lente mue de l’espace de la prison. Grâce à des algorithmes complexes, il se détache de la tâche ennuyeuse du simple suivi de chantier. Au cours des deux dernières années, il a placé à des points de vue fixes des pièges photographiques, enregistrant de manière automatique des dizaines de milliers d’images, tour à tour les mouvements imprévisibles des cieux qu’il affectionne, la végétation tantôt sauvage tantôt domestiquée, les murs qui tombent, les dallages qui se font et se défont. Il n’est présenté ici qu’une étape de travail ; cette observation se prolongera bien au-delà, avec l’apparition du public, qui va s’approprier et repeupler progressivement ce lieu autrefois clos.

Les œuvres de Mathieu Pernot et d’Aurore Bagarry se font face dans l’espace François-Mitterrand. Les deux ont, sans se répondre, longé les mêmes côtes, photographié depuis les mêmes endroits, mais en pointant leurs appareils vers des horizons différents. C’est toute la richesse du médium photographique qui est démontrée ici. Mathieu Pernot s’est tourné vers l’histoire des hommes, Aurore Bagarry vers l’histoire de la terre. À la roche millénaire, aux sédiments et aux particularités géologiques, Mathieu Pernot oppose le béton et les constructions guerrières des hommes. Dans une performance physique et photographique, l’artiste invoque ici ce qui est sans aucun doute la forme la plus ancienne de dispositif photographique, puisqu’il a transformé les bunkers du mur de l’Atlantique en camera obscura. Il s’enferme lui-même à l’intérieur de ces appareils photographiques géants, pour nous dépeindre, inversées, les images immuables des paysages maritimes, qu’on imagine scrutés jour et nuit, à travers des meurtrières, par les soldats de la Seconde Guerre mondiale, la peur au ventre. 

Dans une autre forme d’action ou de performance qui pourrait paraître absurde ou burlesque, l’artiste suisse Roman Signer entreprend très sérieusement de parcourir à vélo la coursive supérieure de la prison. À vélo – probablement l’unique vélo jamais entré dans cette enceinte –, moyen de locomotion paisible et silencieux, symbole de liberté et d’insouciance, il déroule, impassible, un ruban de plastique jaune. Mais son périple est circulaire, et l’utopie qu’il sorte de cette orbite est vouée d’emblée à l’échec. Il ne délivre pas un message, ne nous souffle pas une métaphore qui serait facilement transposable en concepts. Cette action, au regardeur d’y lire et d’y projeter l’interprétation, rationnelle ou sensuelle, d’un geste poétique. 

Le photographe italien Pino Musi et le Suisse Juraj Lipscher ont, eux, choisi de parcourir la topographie plus sinueuse des terres intérieures des Côtes-d’Armor, loin des rivages maritimes. Dans un monde rural en pleine mutation, partagé entre modernité et passé, ils nous invitent à observer les paysages familiers et les architectures vernaculaires, jetant aussi un regard parfois critique et interrogateur sur nos manières de faire nôtres ces paysages.

Tous ces projets s’affirment comme autant de propositions révélant le dynamisme et la multiplicité des écritures photographiques contemporaines. D’horizons et de cultures très différents, les artistes ont en commun cette capacité aiguë de nous surprendre et d’exercer leur liberté au service de l’expérience, tant du réel et du territoire que de l’expérimentation de la forme photographique et de leur imaginaire. À nous, individus et sociétés, de trouver le temps et les espaces propices pour écouter ces messagers.

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