Champs/Contre-champs
Exposition collective
March 31–May 27, 2018

Maria Thereza Alves
Malick Sidibé
Yang Zhenzhong
Marie-Noëlle Boutin
Jef Geys
Robert Milin
Eric Tabuchi

Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal
Champs/Contre-champs - © Le Centre d'art GwinZegal

Pourquoi regarder les animaux ? : dans un recueil d’essais, de récits et de poèmes, John Berger évoque la longue histoire des relations entre animaux humains et non humains, en rappelant combien, à l’heure de leur disparition, le destin des bêtes est lié aux activités humaines et subit les conséquences de la transformation du monde par son exploitation systématique. Cette histoire n’est pas seulement liée à la culture capitaliste, elle est aussi tissée de mythes et de sentiments, l’animal étant placé par l’humanité dans une altérité radicale. Avant d’être réifiées à des fins alimentaires et productives, les espèces animales ont été dotées de dimensions magiques. Parce qu’elles sont à la fois si proches et si dissemblables des humains, ceux-ci ont fait en sorte d’oublier ce qui les rapprochait et les unissait dans une interdépendance.
Puisque les régimes de communication entre humains et non-humains ne passent pas par le langage articulé, c’est à travers les regards qu’ils échangent que se joue leur absolue inégalité.
Ce vertige philosophique de l’interrogation du regard qui nous est adressé par les bêtes a ouvert les pages merveilleuses d’un texte majeur de Jacques Derrida : L’animal que donc je suis, qui propose de penser l’animalité de l’être humain.
Si le zoo est devenu le monument en lequel s’expose cette perte irrémédiable du lien entre deux formes d’animalité, humaine et non humaine, comme un lieu conservatoire des spécimens d’espèces en voie de disparition, ou déjà disparues de la vie dite sauvage — un musée des formes de vie animale non humaine en somme —, la ferme, l’exploitation agricole, est le lieu où perdure cette proximité.
À travers un ensemble d’œuvres photographiques, vidéographiques et sonores, cette exposition propose une réflexion sur l’actualité des enjeux de la représentation des animaux. Au-delà du portrait d’animal, lui conférant une singularité plutôt que de le classifier comme un exemplaire représentatif d’une typologie, quelles sont les approches développées par les artistes aujourd’hui ?
Les raisons de regarder les animaux sont plus que jamais évidentes — il y a une véritable nécessité de ce regard —, mais comment représenter ceux-ci aujourd’hui ? Comment reformuler dans le présent de ce monde que nous habitons ensemble les conditions de cette relation ? L’une des pistes explorées par les artistes est de tracer le récit d’histoires singulières, de faire resurgir des traditions oubliées, de donner une identité à l’animal, pour dévoiler la dimension sensible d’une coexistence.
Ainsi, Maria Thereza Alves amène, par une stratégie tout en douceur, les habitants d’un village du Sénégal à redécouvrir un lieu oublié où un dernier hommage était rendu aux animaux après leur mort.
Jef Geys identifie toutes les vaches qu’il rencontre depuis l’enfance (son père était marchand de bestiaux) et leur donne un nom en établissant leur passeport, comme pour leur donner une reconnaissance pseudo-légale et surtout très poétique.
Robert Milin demande aux bergers de reproduire le langage qu’ils établissent avec leurs bêtes. Dans leur voix et leur visage, l’on reconnaît toute l’intimité qui se construit par la vie en commun dans le troupeau.
Malick Sidibé dresse le portrait de bergers et de leur chèvre, dans l’évidence de ce qui les unit au quotidien, comme une trinité, une famille. Éric Poitevin use de la forme du tableau, non pas seulement en termes de dimension et de monumentalité de l’image, mais en actualisant par la photo les codes de la composition picturale, pour figurer la puissance d’un cheval de trait, supplanté dans le travail des champs par les machines motorisées. De manière cocasse, Yang Zhenzhong reprend les codes du sport pour mettre en concurrence des poules face à un tas de grains, comme un portrait ironique, en miroir, de la compétition que se livrent les humains pour chacune de leurs activités. Et puisque cette histoire commune de la coexistence s’établit en des lieux aujourd’hui normés, Éric Tabuchi dresse une typologie systématique de hangars agricoles observés au bord des routes françaises, qui tous sont requalifiés esthétiquement par des graffs, manifestant l’expansion de la culture urbaine jusque dans les campagnes. Enfin, Marie-Noëlle Boutin fait le portrait d’apprentis agriculteurs, jeunes femmes et jeunes hommes se préparant à cette activité professionnelle, comme une image du futur de cette activité ancestrale qui, bien que mise en difficulté, perdure et se reformule aujourd’hui.
PASCAL BEAUSSE
Responsable de la collection photographie du Centre national des arts plastiques

RENCONTRE AUTOUR DE L’EXPOSITION
L’exposition Vivre avec les bêtes explore la relation de longue date qu’entretiennent l’homme et l’animal – relation complexe et paradoxale – dans un monde où le destin des animaux est souvent lié aux activités humaines et à l’exploitation systématique qui en est faite. Le Centre d’art GwinZegal propose d’ouvrir cette reflexion sous la forme d’une soirée d’échange pluridisciplinaire entre scientifiques, artistes et éleveurs.
Valérie Chansigaud, historienne des sciences et de l’environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE (Paris Diderot-CNRS), spécialiste de l’histoire des relations entre l’espèce humaine et la nature.
Carole Joliff, éleveuse de porcs sur la commune de Plougonver.
Pascal Beausse, commissaire de l’exposition Vivre avec les bêtes, directeur des collections photographiques et vidéo du Centre national des arts plastiques.
Mathurin Peschet, réalisateur de films documentaires, en particulier de Cousin comme cochon, qui interroge la relation de l’homme au cochon. Tour à tour choyé, sacralisé, rejeté, rationalisé, ce mammifère omnivore renvoie l’homme à ses propres travers depuis des millénaires.
Alain Squarnec, éleveur de bovins et de porcs sur la commune de Gurunhuel.

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