Plein été, un dimanche en début d’après-midi, un homme s’approche, une masse à la main, du bunker coincé entre la plage où se prélassent les vacanciers, et le café-restaurant où finissent de déjeuner les familles venues des environs profiter du grand soleil. Nous sommes quelque part sur la côte nord de la Bretagne. Une rangée de parpaings obstrue l’ancienne meurtrière du bunker, vestige de la Deuxième Guerre mondiale. L’homme assène un premier coup de masse pour évaluer la résistance de ce mur qui le sépare de l’intérieur du bunker, cible de son étrange ballet. Il enchaîne les frappes régulières pour dégager un passage suffisant et se glisser dans l’intimité du bunker. La scène intrigue, et quelques téméraires approchent pour s’enquérir de l’objet qui provoque l’étrange comportement de celui qui n’apparaît pas encore dans ses attributs de photographe. La tâche s’avère rude. Les parpaings finissent cependant par céder sous l’insistance du photographe. L’intérieur du bunker est sombre. Le photographe engage la seconde étape du processus et, à l’aide d’une grande brosse, entreprend de recouvrir les murs et le plafond d’une couche de peinture blanche. Pour transformer le bunker en camera obscura, finalité de toute cette opération, le photographe s’enferme à l’intérieur de l’édifice, en barrant l’ouverture qu’il vient de réaliser par un panneau dans lequel seul un orifice minuscule, de moins d’un centimètre de diamètre, laisse entrer un faisceau de lumière. C’est ce dernier qui permet au paysage qui se trouve à l’extérieur du bunker, dans l’axe du petit orifice, de venir se projeter sur la paroi opposée en image renversée. Le photographe accomplit alors dans l’obscurité du bunker la dernière étape : à l’aide d’un appareil photographique, il enregistre cette image éphémère, qui se superpose au support mural sur lequel elle se déploie. Cette édition bénéficie du soutien du Centre national des arts plastiques, ministère de la Culture et de la Communication.