En plus de l'oeil, tentatives photographiques de Marc Pataut
Exposition
October 23, 2025

Ouvert du mercredi au dimanche
de 14 h à 18 h 30.
Fermé du 24 décembre
au 1er janvier
ainsi que les jours fériés. 

Entrée libre

En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal
En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal
En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal
En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal
En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal
En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal
En plus de l'oeil, tentatives photographiques  de Marc Pataut - © Le Centre d'art GwinZegal

On dit communément des bons photographes qu’ils ont l’œil. Marc Pataut est de ceux, plus rares, qui nous apprennent que la photographie est autant une affaire de relations, de rapports de corps, ou d’écoute, que de vision. De ceux qui savent partager leur outil pour apprendre des autres et de leurs manières de voir. Marc Pataut parle plus volontiers de tentatives que de projets. Il travaille avec le temps. Rarement seul. Il travaille avec celles et ceux qu’on dit précaires et qui sont surtout invisibilisés, et sait s’entourer d’allié(e)s qui partagent son sentiment d’urgence politique. Il le fait à la demande d’institutions publiques ou d’associations d’éducation populaire, parfois de sa propre initiative. 

L’exposition est une « rétrospective de poche » qui présente près d’un tiers des tentatives que Marc Pataut a menées depuis quarante ans. Elle met l’accent sur l’inventivité des voies de recherches qu’il a ouvertes du côté des pratiques collaboratives et des interventions dans l’espace public. Elle souligne aussi une tension caractéristique de l’œuvre : l’articulation de petites formes à des propositions plus monumentales.

Parmi les petites formes, un album rassemble les planches-contacts des photographies faites par des enfants psychotiques de l’hôpital de jour d’Aubervilliers, en 1981–1982. Marc Pataut dit de cet Album rouge (1989) qu’il est la matrice de son travail. L’objet de petite taille est lourd d’expériences et de visions, et ses qualités rythmiques sautent aux yeux. Mais en l’absence de l’artiste, qui le montre depuis des années à ceux qui entrent dans son atelier – créant ainsi une sorte de légende –, le regardeur bute vite sur l’énigme de ce qu’il a sous les yeux. Un film, réalisé à l’occasion de cette exposition, propose au visiteur de s’arrêter un temps sur cet album et d’entrer dans un jeu de lectures croisées. Il ouvre des perspectives nouvelles sur ce type d’images, qui se retrouvent habituellement dans les poubelles des institutions, souvent plus enclines à valoriser l’activité pour elle-même qu’à prendre au sérieux les traces qu’elle génère. À le regarder de près, les échos de ce premier travail dans la suite de l’œuvre deviennent évidents : intérêt pour les photographies faites par d’autres et leurs perceptions du monde, irruption du corps du photographe dans l’image, importance des paysages et des jeux de lumière, recherche ininterrompue sur l’énigme du portrait…

Parmi les grandes formes (ou plutôt à grande échelle), l’exposition présente deux interventions dans l’espace public, toutes deux réalisées avec le graphiste Gérard Paris-Clavel. Les sérigraphies d’Apartheid (1989) ont été affichées sur des panneaux publicitaires du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) alors que l’apartheid en Afrique du Sud n’était pas encore aboli. Si ces images sont une réaction à une injustice politique extrême, elles apparaissent aussi comme la transposition, en photographie, du travail sculptural auquel Marc Pataut a été formé à l’École des beaux-arts de Paris, dans l’atelier d’Étienne-Martin. Au cours d’une autre action, menée en 1994 avec Ne Pas Plier et l’Association pour l’Emploi, l’Information et la Solidarité (APEIS), des portraits grand format de manifestants sont brandis lors d’une manifestation contre le chômage. L’image de cette manifestation est elle-même portée lors d’une manifestation suivante, donnant lieu à une nouvelle photographie… Ces banderoles aux allures de poupées russes photographiques constituent une mémoire active de la lutte et renforcent son caractère obstiné.

À la même époque, Marc Pataut mène trois tentatives photographiques dans des contextes de grande précarité sociale : dans une communauté d’Emmaüs en Alsace (1993−1994), sur un terrain vague habité par quelques hommes seuls et par une famille, et choisi pour être le lieu de construction du Grand Stade de France (1994−1995), enfin avec des vendeurs du journal La Rue à Paris (1996). Il aborde ces trois situations de manière chaque fois singulière, sans répétition formelle, proposant ainsi des perspectives complémentaires sur « une réalité » (les sans-abris) habituellement présentée de manière réductrice. À Scherwiller, il décide de faire des portraits à la chambre, en faisant jouer la distance entre lui et ses modèles. Sur le terrain du Cornillon, il expérimente une forme documentaire classique, qui inspire à l’historien d’art Jean-François Chevrier la notion d’« intimité territoriale ». À Paris, il confie des appareils jetables aux vendeurs du journal La Rue. Parmi eux, Antonios Loupassis, un architecte grec vivant dans une ambulance, réalise un ensemble d’images du monde des sans-abri et, depuis ce monde, souvent depuis le sol, pose un regard à la fois réaliste et halluciné sur l’espace urbain. Sa vision bouleverse notre représentation d’une des villes les plus photographiées au monde.

L’exposition présente enfin quelques éléments d’un travail en cours, mené depuis 2020 sur le plateau de Millevaches, à l’invitation de Peuple et Culture Corrèze. Marc Pataut y poursuit sa recherche sur le portrait dans quatre institutions du village de Peyrelevade : une école primaire, un EHPAD, un centre d’accueil de demandeurs d’asile, et une maison d’accueil spécialisée pour personnes polyhandicapées. Dans ce dernier lieu, son protocole de portrait à la chambre est mis en crise par des modèles qui ne tiennent pas en place. Le résultat est un ensemble de portraits d’une mobilité étonnante, qui n’est pas sans évoquer les visages des enfants de l’hôpital de jour d’Aubervilliers d’il y a 40 ans.

Exposition conçue par Maxence Rifflet et Anaïs Masson en coproduction avec le Bleu du ciel, Lyon.

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