Jusqu’en 1977, tout en travaillant dans son studio, Malick Sidibé poursuit de nombreux reportages sur les loisirs des jeunes du tout nouvel Etat malien issu de l’indépendance. Soirées, surprises-parties, fêtes où l’on danse, où l’on exhibe ses vêtements, bars, clubs de jeunes où l’on écoute les disques de pop music, de rock and roll, de soul music, jusqu’aux sorties du dimanche sur les bords du fleuve Niger. Malick Sidibé, qui est de tous ces moments festifs, se souvient : « Il y avait à cette époque deux types de danseurs : les zazous, aisés, souvent de familles de fonctionnaires, qui commandaient leurs costumes à Saint-Germain des- Prés, et les yéyés, moins riches, sans protocole, qui dansaient dans les bals populaires, on disait les bals poussière. J’ai eu le privilège de photographier des gens en mouvement, qui ne faisaient pas attention à moi. Je n’ai jamais dansé, mais ces jeunes respiraient la vie et me faisaient oublier mes soucis. » Le nombre et la qualité de ces reportages, plus de mille, font de ce travail un document exceptionnel sur le Mali de cette époque. Le « rituel photographique » est toujours le même. Sitôt les reportages achevés — et Malick Sidibé pouvait en faire deux ou trois par soirée — le photographe se rendait à vélo à son laboratoire pour développer les films, réaliser des petits contacts qu’il collait ensuite sur des chemises en carton de type administratif, en prenant soin de mentionner un numéro pour chaque image, la date, le nom du groupe organisateur de la soirée. Ces chemises étaient ensuite exposées à la porte du studio et permettaient aux clients de passer commande au photographe. Si la forme est parfois approximative à ses débuts, très vite Malick Sidibé va prendre de l’assurance et rendre compte de manière sensible de cette liberté nouvelle qui soufflait alors sur Bamako.